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mardi 12 janvier 2016

Nuit et brouillard

Nuit et brouillard

1- Le document
Documentaire de 32 minutes. Réalisé par Alain Resnais, (né à Vannes le 3 juin 1922).

Croisement entre les images en couleurs tournées en 1955 et les images d'archives en noir et blanc, leur constante mise en perspective par le commentaire sobre et informatif dit par Michel Bouquet, le lent crescendo dans l'horreur des images confèrent au film une force confondante.
les images tournées en 1955 en couleurs, à Auschwitz ;
celles tirées des archives nazies : beaucoup de photos fixes ;
celles des cinéastes des armées alliées qui ont ouvert et « nettoyé » les camps en 1945.
Alain Resnais a eu notamment accès à certaines séquences tournées par Sidney Bernstein, chef de la section cinéma des armées alliées à l'ouverture du camp de Bergen-Belsen dans le but de faire le procès des Allemands. Le projet du film avait été abandonné en 1946.

2- Contexte des années 1950

Le film est réalisé 10 ans après la fin de la guerre. De fait, Nuit et Brouillard est d'abord un film sur le phénomène concentrationnaire tel que les déportés des camps de Dachau et de Buchenwald ont pu en rapporter l'expérience. L'auteur du commentaire, Jean Cayrol, en était lui-même un rescapé. Le film montre bien les chambres à gaz d'Auschwitz mais gomme la spécificité du génocide juif. L'oeuvre d'Alain Resnais se situe dans cette première période de la mémoire de la déportation, où le choc de l'ouverture des camps est proche mais où l'on distingue encore mal l'ampleur et la diversité du phénomène. « À la veille du passage du film en commissions de censure, Resnais est prié de supprimer un plan. [...] On lui promet, en échange, "de ne rien couper à la dernière bobine", donc à l'ouverture du film sur le présent. Son refus de s'autocensurer bloque le film jusqu'au jour où Resnais consent à "mettre une poutre à la gouache sur le képi du gendarme" tout en maintenant la référence orale à Pithiviers dans le commentaire. [...] [Le film] mêle un certain soutien officiel et des marchandages de dernière minute, dont la note d'humour n'est pas exclue : le dos de la photo incriminée portait l'autorisation de la censure allemande. » (Joseph Daniel, Guerre et Cinéma, Armand Colin et Fondation nationale des sciences politiques, 1972.)

3- les deux grandes périodes de la politique concentrationnaire allemande.

- 1933-1941 : création des principaux camps de concentration, Dachau (1933), Buchenwald (1937), Auschwitz (1940).
- 1941-1945 : camps de concentration et d'extermination.

Dans Mein Kampf, écrit en 1924, Hitler avait clairement annoncé :
« La loi la plus générale et la plus impitoyable est la lutte des races pour leur espace vital. Un groupe
mène la lutte avec franchise, audace et conscience de sa supériorité raciale. C'est le groupe des
races des Seigneurs et des Guerriers(.) De ces races, la plus grande(.)est la race allemande(.)Une
fraction restreinte mais puissante de la population mondiale a choisi le parasitisme(.) Elle cherche à
s'établir parmi les peuples sédentaires, à priver celle-ci du fruit de leur travail, à prendre le pouvoir.
L'espèce la plus dangereuse de cette race est la juiverie.

30 janvier 1933, Hitler et ses partisans prennent le pouvoir en Allemagne. Un mois plus tard Heinrich Himmler dirige la police de Munich et dès le 20 mars, il donne une conférence de presse pour claironner la création d'un camp de concentration dans la banlieue de Munich, à Dachau. L'élimination systématique des adversaires politiques est donc bien l'une des premières mesures du régime national-socialiste. Communistes, sociaux démocrates mais aussi monarchistes refusant le joug totalitaire vont, les premiers, en faire les frais. Progressivement le nombre de camps de concentration va augmenter et le public des victimes s'élargir : malades incurables, juifs, homosexuels, tziganes, malades mentaux, témoins de Jéhovah. Tout prétexte est mis en oeuvre pour isoler, avilir, puis anéantir des catégories entières d'êtres humains.
Dès 1933 les nazis bannissent les juifs de la fonction publique et de la pratique des professions libérales. En 1935 ce sont les mariages mixtes et les rapports sexuels entre juifs et non juifs qui sont interdit par la loi, puis à partir de 1938 tout un arsenal législatif exclut les juifs de l'économie et de leurs biens. Mort civique, mort sociale, mort économique, ce sont bien les conditions d'une extermination qui sont mises en place avant même le déclenchement de la guerre.

4- Des camps connus de la population
Les nazis font largement connaître la politique d'internement qu'ils pratiquent : il s'agit pour le régime de faire pression sur toute velléité d'opposition. Ainsi le très officiel journal Illustrieter Beobachter portant sur sa couverture la croix gammée publie-t-il début 1937 un reportage sur Dachau « qui nous fait voir le sévère régime de la vie du camp et le dur service des SS qui montent ici la garde pour le bien de la communauté du peuple, pour le bien de la communauté de la nation ».
Sous la photo des prisonniers que le journal appelle des « untermenschen », c'est-à-dire des soushommes, une légende : « trois représentants typiques de l'humanité inférieure au camp de concentration de Dachau. Un communiste, Un fainéant. Un criminel professionnel. » D'autres, crâne rasé et en tenue de forçats sont taxés de « récidivistes politiques qui n'ont pas renoncé à leur activité d'agitateurs et à leur travail souterrain contre le nouvel État, même après une première détention. »
La santé des détenus est déclarée « excellente » par le journal qui précise toutefois « qu'il en est autrement de la santé héréditaire des détenus. Les tares biologiques raciales héréditaires de certains détenus forcent à l'occasion le médecin du camp à solliciter leur stérilisation ou même leur émasculation, en vertu de la loi sur la descendance tarée. »

C'est à un tel régime que certains vont choisir de collaborer et d'autres de résister.

5- Le programme Nuit et Brouillard
La politique d'extermination à grande échelle qui va suivre se fera sur la base de ces orientations proclamées à la face du monde bien avant la déclaration de la guerre. Face à l'accentuation du conflit, à l'automne 1941 et aux politiques de résistance que rencontrent les nazis, ceux-ci vont codifier et réglementer la disparition de milliers d'adversaires politiques.
C'est à Wagner que les nazis empruntent la terminologie de « Nuit et Brouillard » : dans L'Or du Rhin, Alberich, coiffé du casque magique se change en colonne de fumée tandis qu'il chante « Nuit et brouillard, je disparais ». Pour l'extrême droite allemande au pouvoir, il ne s'agit nullement de disparaître mais de faire disparaître sans laisser de traces.




Questionnaire élève

I- Étude de la forme

- quel effet produit l'utilisation du noir et blanc ?

- que cherche à montrer l'utilisation des gros plans ?

- le film se divise en deux parties : donnez un titre à chacun d'elle.


II- Connaissances factuelles et compréhension des images montrées

- que sont Ravensbrück, Dachau et Auschwitz ?

- qu'est ce qu'un Kapo ? un SS ?

III censure du film et limites de ce qu'il montre

Pourquoi, dans le passage sur le camp de Pithiviers, le gouvernement français a-t-il fait censurer une
image ?

En vous servant du cours, précisez quelles sont les deux grandes périodes de la politique
concentrationnaire allemande ?


Que signifiait le terme "Nuit et Brouillard" dans la terminologie nazie ?